L'Assemblée communautaire fransaskoise : Introduction historique
L’historien fransaskois Raymond Huel décrit les premières décennies de vie de l’Association catholique franco-canadienne de la Saskatchewan (ACFC) dans sa thèse intitulée « L’ACFC : Un rempart contre l’assimilation culturelle, 1912 à 1937 ». L’étude décrit bien les défis de l’organisme dont le rôle sera d’influencer le milieu politique et communautaire. L’ACFC défendra la langue française face à l’anglicisation qui s’impose dans l’Ouest canadien au début du 20e siècle. Les premières décennies d’existence de l’ACFC sont un parfait exemple de résilience par son aptitude d’affronter les pressions anti-francophones de l’époque et à s’adapter aux conditions sociopolitiques qui régissent les institutions de la province et par ricochet, la population de langue française.
Lorsque la Société du Parler français du Canada annonce la tenue du premier Congrès de la langue française à Québec en juin 1912, les francophones de l’Amérique du Nord sont invités à y participer en envoyant des délégations pour représenter leur territoire. En préparation de cet événement, 450 représentants des villages et hameaux francophones de la Saskatchewan se rassemblent à Duck Lake les 27, 28 et 29 février 1912. À l’issue de la rencontre, une section saskatchewanaise de la Société du parler français a été mise sur pied. Quatorze personnes sont choisies pour former la délégation saskatchewanaise au Congrès de la langue française. Réuni à Regina au début du mois de juin 1912, l’exécutif renomme l’entité l'Association franco-canadienne de la Saskatchewan. Une année plus tard, en juin 1913, le nom est modifié une 3e fois pour devenir l’Association catholique franco-canadienne de la Saskatchewan. (ACFC)
Installés aux quatre coins du territoire agraire de la Saskatchewan, les francophones forment, en 1912, une population d’environ 5% des résidents de la Saskatchewan. Le pourquoi de cet éparpillement de la population trouve une explication dans la stratégie d’occupation rapide du territoire orchestré par les dirigeants ecclésiastiques de l’époque.
Depuis sa fondation, l’ACFC a fait face à de nombreuses crises linguistiques. Parmi ceux-ci il y a la décision du gouvernement de la Saskatchewan d’imposer l’enseignement essentiellement en anglais en 1918. Entre 1927 et 1934, une campagne d’intimidation généralisée contre les francophones par le Ku Klux Klan et d’autres groupes prônant l’intolérance, mène le gouvernement provincial à éliminer l’usage du français comme langue d’enseignement. Il y a aussi l’adoption de la Loi linguistique de 1988 et le long retard du respect des droits constitutionnels.
Assurer l’enseignement du français est la responsabilité principale de l’ACFC entre 1925 et 1968. Elle prépare et offre un cours de français pour les écoles publiques et déploie la tenue d’examens de fin d’année pour motiver et récompenser les élèves. L’ACFC nomme des visiteurs d'école, qui assureront la qualité de l’enseignement du français et verront à l’atteinte des objectifs visés par le programme d’étude. Dès 1925, l’ACFC s’assure d’offrir un cours de français en exploitant les possibilités permises par l’acte scolaire.
L'ACFC soutient plusieurs projets pour développer les communications de masse en français. Entre 1936 et 1952, elle consacre énormément d’énergie pour assurer l’obtention du signal français de la radio de Radio-Canada. Elle ne ménagera pas les efforts pour mettre en place 4 postes de radio français privés dans l’Ouest canadien, dont 2 en Saskatchewan, en mettant de la pression politique, en répétant les demandes et en coordonnant plusieurs campagnes de financement pour construire les postes. Elle assurera l’existence d’une presse écrite francophone en lançant le journal l’Eau Vive en 1971.
L'Association catholique franco-canadienne est devenue l'Association culturelle franco-canadienne en 1962, reflétant à la fois la laïcisation de l’organisme et les changements de priorités au sein de l’Église catholique. La Loi sur les langues officielles de 1969 viendra appuyer les efforts entrepris par l’ACFC depuis sa création. En janvier 1988, il y aura la décision favorable de la Cour suprême du Canada dans la Cause Mercure suivie par la proclamation de la Loi linguistique de la Saskatchewan. La Loi linguistique sera le prétextent des négociations avec le gouvernement fédéral pour conclure la première Entente Canada-communauté en 1988, une entente qui permet de diriger de nouveaux fonds de programmation aux organismes régionales.
En 1999, à la suite d’un examen approfondi de la structure de gouvernance communautaire, l’ACFC change sa structure de représentation et se renomme l’Assemblée communautaire fransaskoise. La structure modernise l’association donnant le droit de représentation aux Fransaskois et Fransaskoises en offrant le droit de vote à toutes les personnes qui comprennent la langue française en Saskatchewan.
Le 21e siècle lève le voile sur le vieillissement de la population canadienne et des membres de la communauté fransaskoise. L’ACF constate la place déterminant de l’immigration internationale au Canada et l’impact de l’exode via la migration interprovinciale sur la communauté. Elle s’engage dans la mise en place de structures d’accueil et de promotion des nouveaux arrivants francophones en Saskatchewan.
La métaphore d’un rempart contre l’assimilation demeure une image acceptable pour décrire l’Assemblée communautaire fransaskoise d’aujourd’hui, mais sa détermination d’agir entant que porte-parole, entité gouvernante, agente de changement et catalyseur pour la mobilisation est tout aussi pertinent à la lumière des actions déterminés et résilients entreprises depuis 1912.